La fin du pacifisme allemand
Stuttgart, 28 octobre. La politique industrielle ? Une lubie des Français, qui a longtemps agacé nos partenaires européens.
Après tout, sur le vieux continent la désindustrialisation était un simple phénomène sectoriel. Certaines activités s’atrophiaient, d’autres se développaient. Mais la zone euro restait exportatrice nette. Et pas seulement grâce à l’Allemagne.
Le seul pays à avoir vraiment décroché, c’était la France. Qui était aussi, c’est ballot, le seul pays à croire à la politique industrielle. Alors, que les mauvais élèves viennent faire la leçon aux autres en réclamant une politique industrielle européenne…
Comme l’écrivait Charles Wyplosz en 2019, les Allemands y voyaient « la marque des pires instincts français : le colbertisme et la volonté de puissance ». Nein danke.
Et pourtant, cette année-là, le jeu avait commencé à changer. La faute à Trump, et à la montée du protectionnisme américain. La faute aux Chinois aussi, dont les grandes dents hégémonistes commençaient à se voir. C’est pour mieux te croquer, mon enfant !
Bref, la gentille Europe ressemblait de plus en plus au dindon de la farce, avec des partenaires commerciaux qui ne jouaient plus le jeu.
Les Allemands ont commencé à douter.
Vint le Covid. En quelques mois, on découvrit que la mondialisation des échanges n’était plus synonyme de résilience et d’efficacité, mais de fragilité. Les chaînes de valeur se bloquaient. Des engorgements se formaient. On manquait de semi-conducteurs, ce qui donnait des maux de têtes aux industriels. Et, malheur, on manquait aussi d’aspirine !
Patatras ? Pas encore. Il a aussi fallu la guerre en Ukraine, et les robinets coupés du gaz russe, pour que les Allemands réalisent que leur modèle de croissance extravertie avait du plomb dans l’aile.
Mais le coup de grâce, c’est l’automobile. 25% de l’industrie outre-Rhin. Or avec le passage à l’électrique cette forteresse jadis imprenable voit ses murs se fissurer. Les coûts d’entrée technologiques baissent d’une façon vertigineuse. Tesla surgit de nulle part. Et derrière Elon Musk, les constructeurs chinois déboulent encore plus vite.
Au premier semestre 2023, les voitures chinoises représentent déjà 8% du marché de l’électrique en Europe (rappel : ils étaient complètement absents du marché européen du véhicule thermique). Selon la Commission, cette part de marché pourrait doubler d’ici deux ans ou moins. Berlin se met donc à subventionner à tout-va, et l’idée d’une guerre commerciale avec la Chine n’est plus le repoussoir absolu qu’elle était encore il y a quatre ans.
Les Français avaient donc raison ?
Ach. C’est malheureusement un peu plus compliqué. Un débat récent sur Telos en donne une assez bonne idée. Dans l’automobile, Pierre-André Buigues et Denis Lacoste soutiennent que face au tsunami chinois, le rattrapage européen et plus spécialement français ne sera pas possible « sans une aide massive des pouvoirs publics européens et une protection par des droits de douane réévalués ».
Mais Antoine Bouët leur rappelle les avantages du libre échange et les inconvénients des subventions. Quant aux droits de douane :
« On dispose d’une très mauvaise information sur les interventions de la Chine en soutien à son industrie. Il est pratiquement impossible de connaître le montant du soutien financier des pouvoirs publics chinois et des gouvernements régionaux à l’industrie du pays. En revanche, on connaît le droit de douane en Chine sur les voitures électriques : 15%. L’information sur les politiques des Etats-Unis est excellente. Le droit de douane sur les voitures électriques n’y est pas de 27,5%, mais de 2,5% sur celles venant de l’Union européenne[2]. Le tarif européen de 10% protège donc comparativement assez bien les constructeurs européens. Si on veut punir les partenaires commerciaux, autant être sûr qu’ils le méritent. » (« Subventions et droits de douane: est-ce le meilleur moyen pour réindustrialiser? », 30 octobre 2023)
Nous voici donc, et les autres Européens avec nous, au milieu du gué. L’ouverture commerciale de la « mondialisation heureuse » n’est plus tenable. Et revenir à la politique industrielle de papa, en relevant les barrières douanières, est à côté de la plaque. Subventionner ? Oui. Mais pourquoi telle industrie plutôt que telle autre ? La politique industrielle, c’est aussi le risque de dépenser beaucoup d’argent public pour faire de mauvais choix.
La bonne nouvelle dans tout ça : plus personne ne prétend avoir LA solution. On va pouvoir réfléchir ensemble.
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