La déraison pratique

Sur la loi immigration.

Telos sans filtre
4 min ⋅ 23/12/2023

Paris, 23 décembre. Quel pataquès ! La loi immigration illustre tous les dysfonctionnements de ce quinquennat. Un exécutif déboussolé, des populistes en vrille, des partis de gouvernement qui ne savent plus où ils habitent. Et à l’arrivée un texte déséquilibré, juridiquement fragile et dont et le président, et la Première ministre espèrent publiquement qu’il sera détricoté par le Conseil constitutionnel.

On croit rêver.

Il y a deux sujets dans cette séquence, tous deux marqués par un affolement de la discussion civique.

Le premier est le fonctionnement des institutions de la Ve République. Gérard Grunberg évoquait cette semaine une autodestruction du régime parlementaire. Le président, clé de voûte du système, a perdu prise sur les événements et sur sa propre parole. Le Parlement, qui reste au fondement du régime, ressemble à une cour de récréation. LR, EELV et le PS se sont laissé entraîner dans le rigodon endiablé que dansent le RN et les Insoumis, obsédés par 2027.

Le second est moins franco-français, mais c’est encore plus inquiétant. Notre correspondant italien Riccardo Perissich posait la question en juin 2022 : un débat rationnel sur l'immigration est-il possible en Europe ? Entre le besoin objectif d’immigration dans des sociétés vieillissantes, et la crispation des mêmes sociétés devant les difficultés de l’intégration, « le débat politique européen sur l’immigration est pris dans une contradiction difficile à résoudre ».

On ajoutera qu’entre la position ultra-politique de ceux qui en rajoutent sur les risques, et la position ultra-morale de ceux qui invoquent le devoir d’hospitalité, on n’est pas sorti de l’auberge.

Un aspect de la question, au moins, devrait être stabilisé et partageable par tous : le volant économique. Sur Telos, on avait publié plusieurs papiers sur la question, qui proposaient des analyses à froid et rappelaient quelques faits. La position de contributeurs nets des immigrés au système de protection sociale, par exemple (Xavier Chojnicki, « Immigration : combien ça coûte ? », 14 décembre 2010).

L’économie n’est pas la clé de tout. Mais parfois elle permet un regard plus froid sur la réalité sociale. Prenez la surreprésentation des immigrés et de leurs descendants dans les statistiques de la délinquance et de la criminalité. Il y a une douzaine d’années, une sortie de Berlusconi avait enflammé l’Italie. Tito Boeri avait publié ce texte limpide, qui appelait à lire ce fait social comme un phénomène de marché du travail.

« Du point de vue de l’économiste du travail que je suis, il y a encore une autre explication possible de la surreprésentation des étrangers au sein de la population carcérale : exactement comme c’est le cas dans l’économie légale, dans différentes activités criminelles les immigrés sont de simples substituts aux Italiens ; retirez les immigrés et vous verrez leurs postes occupés par des Italiens ! Emblématique est le cas du trafic de stupéfiants, passé en large partie du contrôle des organisations italiennes aux organisations étrangères, surtout en ce qui concerne l'activité de vente. Est-il besoin de dire cela n’induit aucune augmentation significative sur le nombre de délits ? Le problème, c’est la criminalité, ce n’est pas les étrangers. » (« Criminalité : faut-il avoir peur des immigrés ? », 10 février 2010)

Ce n’est pas si compliqué, non ? Un peu de raison. Une attention à la réalité. À ce qui s’y joue en pratique. Cela n’épuise pas le problème, mais l’instruit.

(Et si cela vous intéresse, sur Telos on a toute une rubrique sur la question. Et rassurez-vous, il y a des débats !)

Et cette semaine, qu’y avait-il au menu ? Allez, on rembobine. Vendredi 22 décembre, c’était l’article de Gérard Grunberg : « L’autodestruction du régime parlementaire »

En France, l’alliance tactique entre les deux partis populistes est nécessaire pour empêcher l’Assemblée de légiférer, ce qui sert leurs intérêts en vue de la présidentielle. Encore faut-il alors qu’ils puissent entraîner avec eux les partis de gauche et de droite pour bloquer la machine. C’est ce qu’ils ont réussi à faire avec le vote de la motion de rejet.

Jeudi 21 décembre, Gilbert Cette résumait le dernier rapport du Groupe d’experts sur le SMIC, dont il est (pour quelques jours encore) le président : « SMIC : quelles pistes de réforme ? »

Avec une forte inflation, les mécanismes d’indexation sur l’inflation du premier quintile de revenu des ménages ont joué à plein pour les salariés concernés, qui ont vu leur pouvoir d’achat protégé. Mais les travailleurs pauvres n’en bénéficient guère. Par ailleurs, comme les salariés mieux rémunérés ne bénéficient pas de ces indexations automatiques, la dispersion des salaires se réduit d’année en année. Cette situation appelle réflexion et le Groupe d’experts suggère trois pistes de réforme.

Mercredi 20 décembre, Guy Groux revenait sur les difficultés du dialogue social interprofessionnel, et introduisait par la même occasion le terme « pléistocratie » sur Telos : « Une démocratie sociale (toujours) hésitante »

En 2023, le mouvement social sur les retraites fut marqué par un thème qui eut un fort écho dans les médias et le monde militant : la crise de la démocratie sociale, illustrée notamment par les recours répétés de l’exécutif au 49.3 durant les débats parlementaires sur la réforme. Mais l’État est-il en cause ? Cette crise trouve sa source dans une pléistocratie syndicale, que les tentatives illusoires de reconstituer une unité d’action ne remettent pas en cause.

Mardi 19 décembre, Gérard Petit s’interrogeait sur la facilité consistant à implanter les futurs EPR sur le site des anciennes centrales, au détriment de besoins émergents : « Pourquoi pas deux EPR à Fos-sur-mer ? »

Le processus d’implantation des EPR sur des sites où EDF exploite actuellement des réacteurs est logique : terrains déjà acquis, connexion facilitée au réseau THT et environnement socio-économique accoutumé au nucléaire. Cela ne garantit pas pour autant un long fleuve tranquille pour les projets concernés, mais diminue les risques d’opposition locale frontale et violente. Pourtant, en procédant ainsi, on s’est sans doute privé de localisations plus judicieuses. Il est encore temps d’ouvrir le débat.

Le 18 décembre enfin, Olivier Galland et Gérard Grunberg revenaient sur l’enquête de l’IFOP qui a fait tant de bruit la semaine dernière : « Les musulmans et la laïcité en France. À propos d’une enquête de l’IFOP »

78% des musulmans interrogés estiment que la laïcité est discriminatoire à leur égard. Ces chiffres montrent la largeur du fossé qui existe dans les conceptions de la place de la religion dans la société et dans l’État entre les Français musulmans et les autres Français.

 

 

 

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