Montluçon, le 24 février. Il se passe quelque chose du côté de l’industrie. Jeudi, l’Insee a publié son point mensuel sur le climat des affaires, qui fait apparaître une configuration rare : les patrons des services et du commerce de détail n’ont pas le moral, alors que les industriels connaissent un regain d’optimisme. Ceci alors même que la demande de notre principal partenaire commercial, l’Allemagne, est déprimée.
Cette petite bonne nouvelle va de pair avec d’autres signaux : la remontée sensible des emplois industriels après des décennies de baisse continue, les créations nettes d’usines et la bonne tenue des investissements directs étrangers, les résultats stratosphériques des champions comme Stellantis, la transformation de territoires comme la région de Dunkerque.
Bien sûr, Le Monde nous explique que tout va bien mais en fait tout va mal, et L’Humanité s’interroge gravement sur le coût de la politique industrielle pour « le pognon des contribuables ». Il ne faut pas désespérer le faubourg Saint-Honoré !
On ne cédera pas ici à un excès d’optimisme : des nuages noirs, il y en a. Et, oui, le coût de la réindustrialisation est loin d’être négligeable, y compris pour les finances publiques.
Mais peut-on s’en passer ? Non. Les polémiques récurrentes sur les « aides aux entreprises » sont le plus souvent à côté de la plaque. Et ceux qui raisonnent en milliers d’euros par emploi créé n’ont rien compris à l’affaire. Dans des usines largement automatisées, l’emploi n’est plus la métrique principale.
L’enjeu est ailleurs : exportations de biens, balance commerciale et balance courante ; innovation et distance à la frontière technologique ; maintien et développement de filières et d’écosystèmes industriels complets, à la façon allemande ou italienne.
Ces trois domaines définissent une bonne insertion dans les échanges internationaux, et c’est l’enjeu principal de la réindustrialisation, au niveau macro. La vitalité de la France des petites villes, enjeu immense dont l’emploi industriel est une composante centrale, n’est qu’un sous-produit de cette insertion.
Reste la question immense du comment. Il y a deux volets. Le premier est simple techniquement et difficile politiquement, c’est la politique de l’offre. Oui, elle a fait exploser la gauche en 2014, donc politiquement c’est compliqué. Problème, cette révolution française n’en est pas une, tous nos partenaires commerciaux la pratiquent déjà. Continuons, donc ; mais il s’agit simplement de se mettre à niveau.
D’où le deuxième volet, la politique industrielle, dont le monde entier redécouvre les vertus aujourd’hui. Nous en étions les spécialistes, et il va falloir réapprendre à faire, dans le contexte bien différent de l’économie schumpetérienne qui domine aujourd’hui à l’échelle mondiale. Un article de Telos, en juin 2021, tentait la jonction entre ces deux cultures. « Comment repenser notre politique industrielle ? » se demandaient Philippe Aghion, Elie Cohen, Benjamin David et Timothée Gigout.
« Il faut la réconcilier autant que possible avec la politique de concurrence, qui est un moteur d’innovation : on innove pour faire mieux que son concurrent, et par ailleurs toute barrière à l’entrée de nouvelles entreprises est une entrave a la destruction créatrice. Des études récentes montrent que cibler des secteurs plus concurrentiels aide à stimuler la croissance de la productivité. De même, les aides sectorielles stimulent davantage la croissance de la productivité si elles ne sont pas concentrées sur une seule ou sur un petit nombre d’entreprises. (…) Enfin, subventionner des entreprises déjà établies peut rendre difficile l’entrée de nouvelles entreprises plus innovantes à cause d’un effet de réallocation : les entreprises déjà en place contribuent à accroître le coût du travail qualifié et le coût d’autres intrants de production. Il faut donc mettre en place des aides sectorielles d’État qui ne grèvent pas les entrants potentiels. »
Un pognon de dingue ? Oui, mais appelons cela capital productif, et admettons que le facteur travail, s’il ne s’appuie pas sur du capital productif, ne vaut pas un clou. Admettons enfin qu’il ne s’agit plus de « sauver » des emplois industriels, mais de créer des activités.
Au menu cette semaine, sur Telos : le 23 février, un article de Gérard Grunberg sur la structuration de l’électorat, dans l’optique des européennes et de la présidentielle à venir.
Une tripolarisation en trompe-l’œil
Les élections de 2017 avaient mis fin à la bipolarisation gauche/droite du système partisan et produit une tripolarisation gauche/centre/droite. Au cours de la période récente, cette tripolarisation s’est dissoute. Deux raisons expliquent ce phénomène : l’évolution brutale des rapports de force électoraux entre les trois pôles et l’éclatement de ce que certains nomment le « bloc de gauche ».
Le 22 février, une analyse de Nathalie Heinich sur la dérive récente d’une partie de la gauche sur les questions sociales et sociétales.
L’après 7 octobre: un Titanic des gauches en démocratie
Une partie de la gauche a basculé dans le soutien direct ou indirect au Hamas, depuis le refus de qualifier l’attaque de « terroriste » jusqu’à la reprise de slogans appelant ouvertement à la destruction d’Israël. Ce naufrage moral et politique est issu d’une lente dérive idéologique, avec la convergence de deux conceptions régressives des rapports sociaux : le communautarisme, héritier du clanisme et du tribalisme, et l’obsession de la domination, basée sur un manichéisme infantile.
Le 21 février, une note de lecture d’Antoine de Tarlé sur un livre de David Coulon.
La guerre de l’information
Dans un ouvrage éclairant publié il y a quelques mois, le chercheur David Coulon fait le point sur le développement depuis une quinzaine d’années d’opérations d’influence aux formes et à l’impact nouveaux, menées par des États comme la Russie, la Chine et la Turquie. Le tableau précis qu’il donne permet de tracer des pistes à la question posée aux pays occidentaux : comment répondre ?
Le 20 février, un article de Vincent Champain sur le chantier récurrent de la simplification.
Simplifier, mission impossible ?
Gabriel Attal puis Bruno Lemaire ont promis de s’attaquer au chantier de la simplification, comme d’autres avant eux. Pour avoir des résultats durables et significatifs, ils devront s'attaquer à trois problèmes. Tout d’abord, les actions efficaces prennent du temps et nécessitent plus d'un mandat politique pour passer de la prise de conscience aux solutions puis à leur implémentation. Ensuite, les acteurs de la puissance publique comme les Français appelés à juger de leur action mesurent mal le coût macroéconomique de la complexité. Enfin les démarches entreprises pour la réduire sont souvent mal conçues.
Le 19 février, une réflexion historique de Gérard Grunberg.
Napoléon et Poutine ou la diplomatie de l’épée
La situation actuelle de Poutine dans la guerre en Ukraine me paraît présenter des points communs avec celle de Napoléon après la bataille de Leipzig en octobre 1813. Certes, les différences sont importantes et je commencerai par elles pour relativiser la portée des ressemblances.
...