Landerneau, mardi 10 octobre. La réaction de LFI aux attaques du Hamas est devenue en soi un événement. Pas du buzz, non : un acte politique.

Ecartons la thèse trop facile d’une gigantesque boulette. Le tir est précis, comme celui d’une roquette. Comme on dit chez les consultants et dans certains secteurs en lutte des sciences sociales, ça fait système.

Le timing d’abord. L’attaque a eu lieu le samedi 7 octobre, mais aucun responsable ne réagit avant le tweet de JLM, dimanche 13 heures. Un long, très long silence.

Le fond, ensuite. Bien sûr, c’est la ligne traditionnelle de l’extrême gauche de renvoyer dos à dos Israël et le Hamas. Mais quand des civils sont exécutés à la mitraillette, on change de monde. Le PCF ne s’y est pas trompé, Ruffin non plus.

La forme enfin. Le communiqué de presse du groupe parlementaire LFI publié vers 13h30 omet le mot « terroristes », et qualifie l’attaque du Hamas d’ « offensive armée de forces palestiniennes », comme s’il s’agissait d’une armée régulière menant une action de guerre conventionnelle.

Ce cocktail détonnant a attiré les éditorialistes comme des mouches vers un pot de miel. Regardez comme c’est efficace : nous aussi on en parle !

Il est vrai qu’il y a de quoi s’interroger. D’où sort ce gloubi-boulga idéologique ? On distingue un vieux fond de soupe de la guerre froide, sorti du frigo de Mélenchon, relevé aux épices d’un indigénisme plus retors. Mais qui a composé l’ensemble ? Avec quelle visée politique ?

Se pourrait-il qu’il s’agisse d’un simple aveuglement, de la rencontre entre les différentes croyances hors sol qui hantent la chambre d’écho culturalo-politique de l’extrême gauche ? C’est ce que suggère l’essayiste Amine El-Khatmi, quand il se moque dimanche des wokes non-binaires à cheveux verts et roses qui défendent depuis hier un groupe terroriste qui n’hésiterait pas à les faire voltiger depuis des toits d’immeubles. Bref, la solidarité avec le peuple palestinien, c’est la base. Le point zéro de la convergence des luttes, celui sur lequel tout le monde s’entend chez LFI.

De mauvais esprits soupçonnent un électoralisme un poil cynique, celui qui a permis de ratisser les suffrages de la Seine-Saint-Denis. Un clin d’œil appuyé aux jeunes issus de l’immigration prompts à s’identifier à nos frères de Palestine.

Enfin il y a comme toujours la volonté de cliver, de focaliser l’attention. À la façon buzz du trublion Louis Boyard, ce situationniste qui s’ignore (combien de n à situationniste, Louis ?) ou à la manière gramscienne du jeune et méthodique Antoine Léaument.

Chez Telos aussi, on cherche, on s’interroge. Nos sages nous disent : Mélenchon veut atomiser la NUPES.

Gérard Grunberg, notre líder maximo (avec un accent sur le i, Louis !), l’a écrit en juillet (L’agonie de la NUPES), et en septembre encore (Feu la NUPES). Sa thèse ?

« Chaque jour se dessine plus clairement la stratégie du leader de LFI. Mis en question dans sa propre organisation et de plus en plus critiqué par les autres formations de gauche mais décidé à se donner les moyens d’être candidat à la prochaine élection présidentielle s’il le décidait, il entend se distinguer clairement de ses ex-alliés. Dans ces conditions, la Nupes ne lui est plus d’aucune utilité. Au contraire, il élargit et approfondit chaque jour un peu plus les désaccords en se faisant le champion de la radicalité. »

Dit moins poliment : JLM se fiche aussi bien des civils israéliens que d’agacer Yannick Jadot ou de décevoir ce pauvre Olivier Faure.

Et, cela va sans dire, de la cause palestinienne.

Le menu de Telos cette semaine (plat, dessert, café gourmand)

Attentats islamistes: quelle représentation au cinéma?

Vincent Tournier, 9 octobre

Comment le cinéma français a-t-il abordé les attentats qui ont frappé le territoire depuis 2015? Est-il possible de repérer un narratif dominant et, le cas échéant, que nous apprend-il sur les valeurs et les préoccupations de la France contemporaine?

7 octobre 2023: la pensée totalitaire à l’œuvre

Pierre Rigoulot, 10 octobre 2023

En lançant des rafales de mitraillette contre des civils – femmes, enfants, personnes âgées et adultes indistinctement abattus – le Hamas a montré non seulement qu’il ne distinguait pas les civils des militaires mais que les Israéliens étaient perçus par lui comme une masse indistinctement promise à l’élimination comme peuvent l’être les punaises de lit ou les moustiques.

Taïwan, un objectif de la stratégie nucléaire chinoise

Matthieu Anquez, 11 octobre

Les ambitions chinoises sur Taïwan sont une évidence, maintes fois répétée par les responsables de la République populaire de Chine (RPC), pour de nombreuses raisons maintenant bien connues. Certaines, géostratégiques, échappent parfois aux observateurs. Elles touchent à la question de la dissuasion nucléaire océanique chinoise.

L’Ukraine et les limites de la géopolitique

Bernard Chappedelaine, 12 octobre

Dans son dernier livre, Pascal Boniface écrit que «soit on estime que l’agression russe est inexcusable et il ne faut alors pas chercher la moindre circonstance atténuante, soit on estime que les Occidentaux, par maladresse et ou par hubris, ont maltraité Moscou, et l’on peut donc comprendre cette dernière, tout en regrettant la catastrophe survenue». Le géopolitologue pense pour sa part que les deux affirmations sont vraies. Cette analyse, qui le conduit à concentrer la discussion sur le comportement prêté à l’Occident, aboutit à occulter les effets de la dynamique interne du pouvoir russe pour faire de la guerre la résultante du jeu des puissances.

Les Européens sont-ils individualistes ?

Gérard Grunberg, 13 octobre

Une quinzaine de chercheurs, parmi les meilleurs spécialistes, ont contribué sous la direction de Pierre Bréchon à un ouvrage passionnant sur les systèmes de valeurs et leurs évolutions dans les pays européens. Il ressort des différents chapitres la confirmation que les systèmes de valeurs en Europe sont structurés autour de deux grandes dimensions, l’une qui oppose le libéralisme culturel aux valeurs religieuses et traditionnelles et l’autre qui oppose l’intégration et la confiance au retrait social et à la défiance.